PROGRAMME
Diversité et Complicité

J.S. Bach

(1685 - 1750)

Concerto pour piano et orchestre BWV 1052

1. Allegro
2. Adagio
3. Allegro
Soliste: Kristina Miller

Ernest Chausson

(1855 - 1899)

Poème pour violon et orchestre

Soliste: Alexander Kagan

Reynaldo Hahn

(1874 - 1947)

Suite hongroise

1. Parade
2. Trois images de la Reine de Hongrie
3. Chants et danses
Solistes: Alexander Kagan, Kristina Miller
Direction: Gleb Skvortsov
Le concert est donné sans entracte.
CAMERATA VENIA
Fondée en 2008 par le chef Gleb Skvortsov, Camerata Venia est composée de la fine fleur des jeunes musiciens professionnels romands. Pendant ses premières années d’existence, l’ensemble a travaillé à forger son unité. Forte de ses réussites et convaincue d’avoir atteint une maturité artistique et une viabilité institutionnelle, Camerata Venia propose, depuis 2013, des séries de concerts, sous le titre de «Saisons bien tempérées».
L’ambition de ces «saisons» est de faire rayonner l’excellence des musiciens qui composent Camerata Venia au travers de cycles de concerts novateurs tant par le répertoire abordé que par leur forme et de donner aux jeunes talents d’aujourd’hui, qui occuperont demain le devant de la scène, le meilleur cadre possible pour s’épanouir aux côtés d’artistes de renom. D’ailleurs, le Concours de Genève auquel ces idées sont chères, est un partenaire de choix de Camerata Venia.
La particularité de Camerata Venia, un ensemble de solistes, que le chef Gleb Skvortsov a ancré en quelques années dans la scène musicale genevoise, tient tant dans la qualité de ses musiciens que dans sa formation à géométrie variable. Cette dernière singularité, qui en fait un ensemble unique en Suisse romande, lui permet d’aborder un répertoire extrêmement riche d’œuvres injustement délaissées ou oubliées, celles qui ne figurent pas aux programmes des ensembles de chambre traditionnels, faute de correspondre à leur effectif de base. Ces concerts sont conçus de manière à intéresser les mélomanes avertis comme les spectateurs plus occasionnels, en se préoccupant d’assurer une large ouverture.
Soutenez CAMERATA VENIA!
Camerata Venia existe exclusivement grâce au soutien de sponsors, de donateurs et de mécènes.
Vous contribuerez ainsi à soutenir notre formation, encourager nos initiatives culturelles et promouvoir 
une image fraîche de la musique classique. Nous vous remercions de votre attention et de votre générosité.
DONATION

GLEB SKVORTSOV

DIRECTION
Gleb Skvortsov commence ses études musicales à l’âge de sept ans dans le fameux Collège Glinka de Saint-Pétersbourg, puis les poursuit au Conservatoire Rimsky-Korsakov, où il reçoit le Diplôme de Direction Chorale avec distinction. Après avoir remporté le prestigieux Prix Evgeny Mravinsky, il se perfectionne au Conservatoire de Genève dans la classe de direction d’orchestre.

En 2001, il est lauréat d’une bourse du Cercle Romand Richard Wagner. Gleb Skvortsov a travaillé, entre
autres, comme assistant de Michel Corboz, de Dmitry Kitajenko, d’Emmanuel Krivine et de Fabio Luisi. Son activité de chef d’orchestre l’a conduit à diriger des formations telles que l’Orchestre symphonique de la Capella de Saint-Pétersbourg, Israel Chamber Orchestra, l’Orchestre National de Lyon, l’Orchestre de Chambre de Lausanne, l’Orchestre de la Suisse Romande, l’Orchestre de Chambre de Genève.

Entre 1998 et 2008, Gleb Skvortsov a assuré la direction du Chœur de l’Université de Genève, qui, durant son mandat, a su se faire remarquer comme l’une des formations chorales genevoises les plus en vue. Sous sa baguette, le Chœur de l’Université a interprété les grandes œuvres du répertoire, aussi bien que des créations, avec de grands orchestres symphoniques. Durant la même période, il a assuré la direction de l’Orchestre de l’Université de Genève, qu’il a fondé.

Gleb Skvortsov a été l’instigateur et le directeur artistique et musical de plusieurs productions lyriques, dont les premières suisses de la comédie musicale Moskva-Tcheriomouchki de Dimitri Chostakovitch ou du Conte du Pope et de son serviteur Balda du même compositeur, ainsi que d’une version française de Il Cappello di Paglia di Firenze de Nino Rota – opéra qu’il fut également appelé à diriger, au pied levé et en version originale, à l’Opéra de Lausanne.

En 2008, il crée Camerata Venia, un ensemble orchestral composé de jeunes musiciens romands de très haut niveau qui se produit régulièrement à Genève.

Enfin, entre janvier 2014 et juin 2017, Gleb Skvortsov a assuré la direction de l’Orchestre Symphonique Genevois.

KRISTINA MILLER

PIANO
Kristina Miller, pianiste russo-allemande, est née en 1986 à Moscou dans une famille de musiciens. Son talent exceptionnel lui a donné une opportunité d’interpréter avec un orchestre le Concerto № 23 de W.A. Mozart à l’âge précoce de huit ans.

Six ans plus tard, le Professeur A.E. Rubina l’a invitée à étudier dans une école de musique spécialisée pour enfants talentueux à Saint-Pétersbourg. Après avoir remporté le premier prix du concours international de piano de Berlin (1999) et le deuxième prix du concours international de piano de Saint-Pétersbourg (2000), le ministère russe de la Culture a récompensé ses réalisations exceptionnelles en tant que pianiste en lui décernant son prix du développement artistique. Depuis l’âge de douze ans, Kristina Miller a donné des concerts en Europe, aux États-Unis, en Australie et en Amérique du Sud. Elle a été invitée chaque année à se produire en tant que soliste avec des orchestres tels que le Recreation Grosses Orchester de Graz, l’Orchestre de chambre de Vienne, l’Orchestre des Amériques, l’Israel Camerata de Jerusalem, l’Orchestre de chambre de Lituanie, Orquestra Sinfonica do Teatro Nacional Claudio Santoro, la Neue Philharmonie München, la Capella d’État  Symphony Orchestra de Saint-Pétersbourg, le Rostow Philharmonic Orchestra, l’Orchestre symphonique de USP, la Berliner Camerata et bien d’autres. Elle a travaillé avec des chefs d’orchestre tels que Ravil Martinov, Carlos Miguel Prieto, Sergey Krylov, Vladislav Chernushenko, Uri Segal, Roberto Tibiricá, Osvaldo Ferreira, Fuad Ibrahimov, Helder Trefzger, Claudio Cohen, Hobart Earle, Andreas Stoehr et d’autres encore.

Après avoir obtenu son diplôme à l’école de musique spécialisée en 2004, elle est devenue étudiante au Conservatoire d’État de Saint-Pétersbourg. Durant cette période, Kristina Miller a eu l’occasion de se produire dans des salles de concert telles que la Salle Philarmonique, le Capella Hall et le grand A. Glasunov Hall au Conservatoire de Saint-Pétersbourg. En 2006, elle a remporté le Prix Steinway Piano de la Steinway-Haus à Munich et est entrée à l’Université de la musique de Munich pour poursuivre ses études avec le célèbre pianiste Professeur Gerhard Oppitz.

En tant que musicienne de chambre, Kristina Miller a notamment collaboré avec des artistes tels que Daniel Müller-Schott, Sergey Krylov, David Aaron Carpenter, Jan Volger, Pierre Amoyal, Danjulo Ishizaka et d’autres encore.

En parallèle avec divers enregistrements effectués pour la Radio Bavaroise, son premier CD sort en 2008 sous le label Naxos, enregistré avec Nicolas Koeckert. Cet opus a reçu d’excellentes critiques et a été diffusé à plusieurs reprises sur les stations de la Radio Bavaroise et de la BBC. En 2012, Kristina Miller a terminé ses études avec le Professeur Gerhard Oppitz à l’Université de la musique de Munich, où elle a obtenu sa Maîtrise en musique avec distinction. En 2015, elle a obtenu sa deuxième Maîtrise au Conservatoire de l’Université de Vienne avec le Professeur Dr. Johannes Kropfitsch. En novembre 2017, Kristina fait ses débuts à la Berliner Philharmonie.

ALEXANDER KAGAN

VIOLON
Alexander Kagan est né à Moscou, dans une famille de légendaires musiciens russes: Natalia Gutman et Oleg Kagan. Il commence à jouer du violon à l’âge de six ans.

Après avoir obtenu son diplôme au Conservatoire de Moscou en 2009 dans la classe du Professeur Kravchenko, il a étudié avec le Professeur Kolja Blacher à Hambourg et à Berlin, où il a obtenu un master en 2013. Il a notamment passé un semestre à la Manhattan School of Music de New York dans le cadre du programme Pinchas Zukermann et a participé à de nombreuses masterclasses avec des professeurs tels que Pavel Vernikov, Philipe Hirshhorn et Maurizio Fuchs. Il a remporté des prix au concours international Glazounov à Paris, au concours international de violon David Oistrakh à Odessa, au concours international Assembly à Moscou et au concours international de musique de chambre Pinerolo en Italie. 

Parmi ses engagements récents, citons la Sonate pour violon de Bartok avec Víkingur Ólafsson en février 2021, le concerto pour violon de Walton en tant que soliste avec l’orchestre symphonique du Norrlandsoperan et Joann Falletta à Umeå, Stockholm et Sundsvall (Suède) en 2019, une apparition en solo en direct à la télévision avec l’Orchestre de la Radio Suédoise lors du concert du Nouvel An 2018, plusieurs concerts avec l’orchestre symphonique de Norrlandsoperan en Suède en 2016, une interprétation de la Sinfonia Español de Lalo sur l’île de Madère au Portugal (2016), deux interprétations de la Sinfonia Concertante de Mozart avec l’Orchestre Philharmonique de Bergen sous la direction d’Andrew Manze et d’Andrew Litton en 2014. Alexander a fait ses débuts dans la « Grande Salle » du Conservatoire de Moscou au début de l’année 2012, où il a joué le Concerto pour violon de Beethoven avec l’Orchestre du Conservatoire de Moscou.

À partir de la saison 2020/21, Alexander est nommé Premier violon solo de l’Orchestre Philharmonique de Bergen, alors qu’il occupait auparavant un poste permanent de Premier violon solo au Norrlandsoperan en Suède (2016-2020). Auparavant, il a été employé comme Premier violon solo du Norrlandsoperan en Suède 2016-2020 et comme violon solo associé à l’Orchestre Philharmonique de Bergen 2012-2016. Alexander est fréquemment invité à diriger de grands orchestres en Scandinavie, en Europe, en Asie et aux États-Unis en tant que violon solo invité. Comme le Buffalo Philharmonic 2019, l’Orchestre symphonique de Trondheim 2019, le Malaysian Phiharmonic 2019, l’Orchestre symphonique de Kristiansand, le Deutsches Symphonie Orchester Berlin en 2016, le Stockholm Royal Philharmonic et le Stockholm Radio Symphony Orchestra en 2016-2018, l’Orchestre symphonique de Göteborg, le Stockholm Royal Opera, le Gstaad Festival Orchestra 2016, l’Orchestre de la Suisse Romande 2016, l’Orquestra Sinfònico Casa da Musica Porto 2015, la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken 2014 et 2015. Alexander Kagan est un musicien de chambre passionné et se produit lors de concerts, notamment au Festival de Lucerne en août 2015 et 2016, au Festival de musique de chambre du printemps de Séoul en mai 2013, aux «December Evenings», à Ars Longa et au Festival «Dedication», à Moscou, au Festival de musique de chambre de Kuhmo en Finlande, au Festival de musique de chambre Storioni (Eindhoven). À partir de l’été 2020, Alexander enseigne chaque année à l’Académie des solistes en France.
Alexander joue sur un violon de G.B. Guadagnini (1780) prêté par J. O. Odfjell à Bergen, en Norvège, et sur un violon de Jean Baptiste Vuillaume (1855)

A la recherche des origines

L’origine du Concerto pour clavecin (ou piano) et cordes en ré mineur BWV 1052 est mystérieuse: il serait la transcription d’un concerto pour violon composé alors que Bach était en poste à Köthen (1717-1723), mais que l’on n’a jamais retrouvé. En revanche, on a pu constater que les trois mouvements de ce concerto ont été utilisés par le compositeur dans des cantates datant de 1726 et 1728 et dans ces trois morceaux de cantates, l’instrument obligé est l’orgue. Ils apparaissent alors comme des prototypes du concerto pour clavecin élaboré vers 1730 à Leipzig où Bach exerçait les fonctions de directeur du Collegium musicum. Attendu cependant que le concerto pour violon d’origine n’a jamais été retrouvé, les plus fins limiers de la musicologie ont essayé de le reconstituer à partir de sa transcription pour clavecin, ce qui a donné lieu à toutes sortes de théories: certains ont affirmé que le concerto d’origine n’était pas pour violon, d’autres qu’il n’était pas de Bach! Finalement, le bon sens a prévalu: le grand Jean Sébastien Bach est bien l’auteur de ce concerto! Sa «patte» semble ne faire aucun doute: la voici dans l’impressionnante architecture du premier mouvement, à la fois jubilatoire et grave, virtuose et réservé, avec quelques accents d’une grande tendresse, aussi une détermination à toute épreuve. Dans sa version avec orgue obligé, il sert donc d’introduction à la cantate BWV 146, précédant le chœur «Il nous faut traverser bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu» dont la musique est celle du deuxième mouvement du concerto! Et ces paroles viennent donner tout son sens à ce deuxième mouvement: c’est un adagio dont l’intensité expressive est hors du commun. Souffrance, déploration, il y a cette pulsation constante à la basse comme un constat accablant, mais confiance aussi, car la lumière dans cette page est omniprésente. Et cette confiance trouve sa pleine réalisation dans le troisième mouvement: jubilatoire à nouveau, joyeux, coulant de source vive, roboratif et toujours avec l’instrument soliste, tournoyant, s’élançant comme un oiseau en plein ciel. Et ce troisième mouvement sert d’introduction à la cantate BWV 188 «J’ai placé ma confiance en mon Dieu fidèle, là repose mon ferme espoir»! Une œuvre de Jean Sébastien Bach ne peut jamais être détachée de la foi indéfectible de son auteur!

Une étrange histoire …

Qu’une œuvre littéraire soit à l’origine du «Poème» d’Ernest Chausson n’étonnera pas grand monde! En revanche, le sujet de cette œuvre, une nouvelle d’Ivan Tourgueniev (1818-1883) intitulée «Le Chant de l’Amour triomphant», est plus étonnant: deux frères, un peintre et un musicien, aiment la même jeune fille. Celle-ci, Valeria, épouse le peintre Fabius. Le musicien Mucius s’en va alors pour les Indes où il s’initie à la magie. Reçu, à son retour, par Fabius et Valeria, il joue sur son violon - à la table faite d’une peau de serpent et à l’archet orné d’une pierre précieuse - une mélodie ensorcelante: le Chant de l’Amour triomphant. Au cours de la nuit qui suit, Valeria rêve que Mucius l’étreint. Réveillée en sursaut, elle entend, venant d’une chambre voisine, le Chant de l’Amour triomphant. Valeria est envoûtée et se rend, le soir suivant, au fond du jardin où Mucius l’attend. Mais Fabius l’a suivie et tue Mucius. Valeria s’effondre, puis se réveille, sereine et comme libérée. Quelques semaines passent. Fabius entreprend de brosser le portrait de son épouse jouant de l’orgue. Comme par enchantement, le Chant de l’Amour triomphant naît spontanément sous ses doigts, alors qu’elle ressent en son sein les premiers mouvements d’une vie qui s’éveille…


La mélodie qu’entonne le violon solo au début de l’œuvre, après un prélude orchestral de 30 mesures, est-elle ce «Chant de l’Amour triomphant»? Il y a fort à parier, car cette mélodie imprégnera la conclusion de l’œuvre. Mais il est permis d’en douter, car au fur et à mesure que Chausson avançait dans son travail - la gestation est longue: Chausson parle de l’œuvre en 1892 déjà et ne l’achève qu’en 1896 - il semble s’être éloigné du scénario que lui offrait la nouvelle. Ainsi le titre de l’œuvre passe-t-il du «Chant de l’Amour triomphant, poème symphonique pour violon et orchestre» à «Poème pour violon et orchestre» pour n’être plus finalement que «Poème pour violon op.25»! De fait, ce morceau peut se passer complètement de son support littéraire, car il transporte l’auditeur dans le monde si singulier de la poésie pure, mystérieuse, inexplicable mélange de réel et d’irréel, subtil amalgame de concret et de rêve, alliage troublant du maléfique et du bienfaisant. La musique dit ce que les mots ne peuvent exprimer et Chausson est maître en la matière! Ses exquises harmonies, son lyrisme généreux, le raffinement de son orchestration font merveille et l’auditeur ne peut qu’être sous le charme de cette musique ineffable. Composé à l’intention du grand violoniste Eugène Ysaïe, le «Poème pour violon op.25» fut créé par son dédicataire le 27 décembre 1896, avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris dirigé par Guy Ropartz. Gleb Skvortsov a procédé à une réduction de la partition - initialement pour grand orchestre - d’après la transcription pour violon, quatuor à cordes et piano que Chausson a réalisée lui-même.

La noblesse de la musique légère

Le compositeur et critique musical Gustave Samazeuilh (1877-1967) a dit de Reynaldo Hahn qu’il a donné «à la musique légère, si souvent galvaudée ailleurs, ses véritables lettres de noblesse» (G. Samazeuilh: «Musiciens de mon temps», éditions Marcel Daubin, Paris, 1947, page 213). De fait, le nom de Reynaldo Hahn demeure attaché à un style pimpant, enjoué, frivole, un rien précieux dont l’emblème reste l’opérette «Ciboulette», créée au Théâtre des Variétés à Paris en 1923, ou la comédie musicale «Mozart» (Théâtre Edouard VII, 1925) qui prend de grandes libertés avec l’histoire et dont les paroles, spirituelles en diable, sont signées Sacha Guitry. Reynaldo Hahn apparaît alors comme le chantre d’un Paris fortuné et rieur, qui veut oublier l’horreur de la Première Guerre mondiale … avant de sombrer dans le chaos de la Seconde! Le cliché est en partie vrai, mais le tableau est incomplet. Certes, Reynaldo Hahn était riche. Son père était un commerçant hambourgeois qui avait fait fortune au Venezuela où Reynaldo, dernier de 12 enfants, naît en 1874. Il a 3 ans lorsque sa famille s’installe à Paris. Très doué, il publie à 9 ans une valse pour piano, avant même son entrée au Conservatoire où il obtient médailles et prix. C’est dans la mélodie qu’il s’illustre d’abord, composant de nombreuses chansons qu’il chante bientôt lui-même d’une belle voix de baryton en s’accompagnant au piano. Il est ainsi l’hôte des salons les plus mondains où il rencontre Marcel Proust qui a laissé de lui ce charmant portrait dans «La Cour aux Lilas et l’Atelier des Roses: le salon de Mme Madeleine Lemaire»: «Dès les premières notes du «Cimetière», le public le plus frivole, l’auditoire le plus rebelle est dompté. Jamais, depuis Schumann, la musique pour peindre la douleur, la tendresse, l’apaisement devant la nature, n’eut de traits d’une vérité aussi humaine, d’une beauté aussi absolue. Chaque note est une parole, ou un cri! La tête légèrement renversée en arrière, la bouche mélancolique, un peu dédaigneuse, laissant s’échapper le flot rythmé de la voix la plus belle, la plus triste et la plus chaude qui fut jamais, cet «instrument de musique de génie» qui s’appelle Reynaldo Hahn étreint tous les cœurs, mouille tous les yeux, dans le frisson d’admiration qu’il propage au loin et qui nous fait trembler, nous courbe tous l’un après l’autre, dans une silencieuse et solennelle ondulation des blés sous le vent».

Des mélodies, mais pas que cela …

Ses mélodies, fort belles, se comptent par dizaines, mais occultent maintenant des œuvres beaucoup plus sérieuses telles le «Cantique sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés » (1896, texte de Racine), le motet «Tu es Petrus», deux quatuors à cordes, un quatuor avec piano, l’opéra «Le Marchand de Venise», pour ne citer que quelques titres, le catalogue des œuvres de Reynaldo Hahn atteignant un peu moins de 400 numéros! Reynaldo Hahn est cependant resté en marge des courants qui ont révolutionné le langage musical dans la première moitié du XXe siècle, de la polytonalité au sérialisme. C’est que si la musique était son mode d’expression favori, il s’intéressait à tous les arts, affirmant même au pianiste Eduard Rissler: «Tu aimes la musique par-dessus tout et je regrette de tout mon cœur de n’être pas comme toi. Il y a bien des choses que j’aime tout autant … J’aime l’art dans son ensemble, dans la vision de tous les arts réunis …». Son savoir encyclopédique et son goût très fin lui ont permis ainsi d’être un critique musical apprécié, un conférencier recherché et un musicographe pertinent. Chef d’orchestre talentueux (il a dirigé le «Don Giovanni» de Mozart au Festival de Salzbourg, aux côtés de Gustav Mahler et de Félix Mottl), il est maintes fois monté au pupitre de l’Opéra de Paris, dont il a été nommé directeur en 1945, poste qu’il a occupé jusqu’à sa mort en 1947. Reynaldo Hahn était aussi un grand voyageur, séjournant parfois longuement en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Russie. A-t-il visité la Hongrie? Sans doute, mais on manque de renseignements sur ses motivations à composer une «Suite hongroise». Envisageait-il un ballet? L’œuvre date des derniers mois de sa vie. Elle a même été déposée après sa mort à la Société des Auteurs, par son ami des dernières années, le comédien, chanteur et metteur en scène Guy Ferrant, et sa première exécution publique n’a eu lieu qu’en 2002! Mais quelle plaisante musique! Le premier mouvement - Parade - se dessine comme une fête joyeuse et tonitruante, pleine d’entrain, alors que le deuxième mouvement - Trois images de la Reine de Hongrie - lui oppose un romantisme très mélancolique, voire plaintif. Quant aux chants et danses qui se succèdent à un rythme soutenu dans tout le troisième mouvement, ils nous emportent irrésistiblement dans un tourbillon peut-être pas authentiquement magyar, mais assurément à la joie communicative!

Auteur du texte: Georges Schürch

Rue du Cendrier 16, 1201 Genève
www.hoteldalleves.ch | info@hoteldalleves.ch
tél: 022 732 15 30

MUSICIENS

Violons I
Vassily Chmykov

Giulio Casagrande

Gaëlle Spiesser

Virginie Slobodjaniuk
Violons II
Julius Bernad

Jamila Garayusifli

Quentin Routier

Livia Otth
Altos
Ellina Khachaturyan

Evgenii Franchuk

Juliette Kowalski
Violoncelles
Amandine Paraire-Lecras

Kamil Mukhametdinov
Contrebasses
Pierre-Antoine Blanc
Percussions
Nicolas Curti
Piano
Arthur Noël
SPONSORS ET PARTENAIRES